et qui semblent se prolonger en ce début d’année, relancent la préoccupation sur la ressource en eau. « Va-t-on manquer d’eau ? » reste une interrogation légitime car comme l’énonçait Antoine de Saint Exupéry « tu n’es pas nécessaire à la vie, tu es la vie ». A plusieurs reprises, Jacques Chirac a prédit la possibilité de conflits, de famines, voire même de guerre au cours du XXIème siècle avec l’épuisement des ressources en eau douce. Il est nécessaire de rappeler que la terre est nommée la planète bleue depuis l’espace. En effet, l’hydrosphère est estimée à 1 400 millions de [km3]. Toutefois, plus de 99 % est sous forme solide ou d’eau salée et n’est pas disponible immédiatement pour nos usages quotidiens.
Il convient donc d’être précautionneux avec cette ressource fragile. La médiatisation, parfois outrancière, doit être pondérée et comme l’énonçait le leitmotiv de l’Ademe, il convient « de comprendre, pour agir ». Ce premier écrit tente de clarifier les multiples informations relatives au grand cycle de l’eau et présente quelques pistes d’amélioration ; un second article examinera plus particulièrement le petit cycle de l’eau qui concerne plus directement les concitoyens.
A l’échelle de la planète, l’eau s’organise dans un système fermé et on remarque que les délais entre les différentes étapes du grand cycle s’étalent de quelques semaines à plus de 10 millénaires. Récemment, un immense lac est apparu dans la vallée de la mort (USA) et, simultanément, les scientifiques envisagent une pénurie d’eau potable avant 2050 au Royaume Uni, pays connu pour son climat pluvieux.
Source : UNEP
Les inégalités quantitatives
Temporelles
Contrairement aux modèles prévisionnistes sur le temps, ceux relatifs à la pluviométrie sont encore assez imprécis. Les écrits rappellent que par le passé, on a assisté, en France par exemple, à des siècles de sécheresse ou d’inondation. Ces états contrastés ont particulièrement frappé l’Australie ces derniers mois. La France n’échappe pas à ces variations comme l’illustre la situation au lac d’Annecy à l’automne dernier.
Variation du niveau du lac d'Annecy entre le 24 septembre 2018 et le 5 janvier 2019
Le Dauphiné Libéré
Spatiales
A cette dimension temporelle, il convient d’ajouter les inégalités spatiales. La métropole bénéficie d’une situation convenable avec une disponibilité annuelle de l’ordre de 3 000 [m3*hab-1], le seuil de pénurie étant fixé à 1000 [m3*hab-1*an-1] (Water Ressource Institut). En revanche, de nombreux pays n’ont pas cette chance comme le montre la cartographie ci-dessous.
Nathan
De prime abord, et malgré les fluctuations temporelles, l’eau ne devrait pas manquer sur le territoire national. Cependant, c’est sans compter sur l’artificialisation croissante des sols ; 78 000 hectares de surface agricole disparaissent chaque année en France, soit l’équivalent d’un stade de foot toutes les 5 minutes ou encore un potager de 25 [m2] chaque seconde. Ce phénomène accroît le ruissellement et les eaux pluviales rejoignent les rivières et les mers en réduisant fortement la recharge des nappes phréatiques. A ce phénomène, s’ajoutent les risques d’inondation, là encore, renforcés par la suppression de multiples zones humides.
Au niveau mondial, on estime que plus de 200 millions d’humains n’ont pas accès à l’eau et les perspectives pour 2025 sont accablantes avec 1,5 milliard de personnes dans cette situation.
Les aspects qualitatifs
Au niveau mondial, on compte environ 1,5 milliard de citoyens sans accès à l’eau potable et l’estimation pour 2025 se situe aux environs de 5 milliards. Chaque jour, 4 000 décès sont induits par l’eau polluée.
En France, si la loi sur l’eau de 1992 a prescrit l’obligation du traitement des eaux usées, de nombreuses pollutions subsistent. La plus importante reste liée aux traitements réalisés dans l’agriculture. Il ne s’agit pas de stigmatiser ces professionnels, mais simplement d’en faire le constat. Les algues vertes de Bretagne ou les sargasses aux Antilles en témoignent.
Une deuxième pollution, largement évoquée par les médias, provient des déchets collectés par le ruissellement. Avant de produire le 7ème continent (regroupement des matières plastiques), les multiples déchets abandonnés sur les espaces publics, polluent nos rivières. De plus, les stations d’épuration actuelles traitent difficilement les petits éléments des rejets domestiques. On estime à 20 % le nombre de poissons mâles qui se sont féminisés par les rejets médicamenteux, notamment les pilules contraceptives.
Les consommations
En France, la pluviométrie annuelle représente sensiblement 480*109 [m3]. Sur cet énorme volume, les consommations pour nos différents secteurs d’activités sont évaluées aux environs de 41 [Gm3]. Le principal prélèvement revient au refroidissement des centrales de production d’électricité (26 [Gm3]). Toutefois, cette ponction est rendue dans le circuit naturel dans un délai très court sans perte significative (environ 2 %). En revanche, la température de l’eau rejetée est sensiblement supérieure à celle captée et nécessite une surveillance, voire même un arrêt comme on a pu le constater lors de la canicule de 2003. La répartition de la consommation des autres secteurs – agriculture, industrie et collectivités – est respectivement estimée à 5, 4 et 6 [Gm3].
Les impacts environnementaux
Outre la sensibilité à la ressource en eau, il convient d’ajouter l’impact énergétique et, par voie de conséquence, les émissions de gaz à effet de serre (GES). En effet, la potabilisation, la distribution et l’assainissement de l’eau à destination des collectivités consomment environ 1 [kWh*m-3] et donc de l’ordre de 85 [g*kWh-1] de GES (au niveau national), soit annuellement 6 [TWh] et sensiblement 500 [kt] de CO2.
Les pistes d’actions
Le premier axe d’amélioration repose sur la réduction de l’imperméabilisation des sols. Le gouvernement vise à stabiliser l’artificialisation des sols à 9,3 % de la surface du territoire. Depuis quelques années, les professionnels s’emploient à développer des solutions alternatives dans ce sens et il n’est plus rare d’observer dans les obligations, un coefficient d’imperméabilité (rapport de la surface imperméable sur la surface de la parcelle) et/ou une limitation du débit de rejet (parfois nul). Toutefois, il convient d’observer la corrélation entre la texture du sol et la perméabilité, caractérisée par le coefficient de perméabilité de Darcy (« k »). Lorsque ce dernier est supérieur à 10-6, il sera nécessaire d’envisager des puits ou des bassins de rétention (ouverts ou fermés). Simultanément à la restauration des nappes, ces dispositions réduisent les risques d’inondation, comme le maintien ou la réhabilitation des zones humides.
La seconde démarche porte sur le réemploi direct (après un filtrage minimum) des eaux pluviales pour les espaces extérieurs (la situation à l’intérieur des bâtiments sera explicitée dans le second article). Des hygiénistes s’opposent à cette disposition par craintes des risques sanitaires encourus. Face aux exigences développées, la réglementation fixe des impératifs, mais évolue puisque prochainement, il sera également possible d’utiliser les eaux usées pour l’arrosage.
Une troisième voie, lancée par les Pouvoirs Publics et reprise par les Agences de l’eau, consiste à limiter les fuites d’eau dans le réseau de distribution avec un objectif maximal de 20 % (certains réseaux anciens accusent des pertes de 50 %).
Enfin, on peut également compter sur le « smart water », analogie avec le « smart grid », pour mesurer en temps réel les éventuels dysfonctionnement et risques rencontrés dans la gestion de l’eau.
A suivre … Le petit cycle de l’eau.